La polémique autour d’une possible révision de l’Accord de libre-échange (ALE) entre le Maroc et la Tunisie est en train de prendre de l’ampleur. Du côté tunisien comme du côté marocain, les opérateurs ne savent plus qui croire.
Une liste de 18 catégories de produits serait révisée par le Maroc, et ce, dans le cadre de l’Accord de libre-échange (ALE) avec la Tunisie. Une mesure qui prend de court les opérateurs tunisiens, qui y voient un « acte injustifié ». Pourtant, le ministre marocain de l’Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour, a affirmé, lors d’entretiens avec la presse marocaine, que « pour le gouvernement marocain, l’ALE d’Agadir, signé entre le Maroc, l’Egypte, la Tunisie et la Jordanie, est toujours en vigueur ».L’actualisation introduite par l’Administration des douanes sur les listes annexées à l’ALE bilatéral Maroc-Tunisie n’a aucun impact sur les opérations commerciales import-export entre les deux pays, a assuré Mezzour. Un démenti qui intervient au moment où la polémique prend de l’ampleur dans les deux pays.
En effet, une circulaire de l’Administration des douanes et des impôts indirects (ADII), datant du 3 janvier 2022, qui porte sur la mise à jour du tarif douanier marocain des droits d’importation de la Tunisie, a été interprétée comme une révision de l’ALE entre les deux pays, et de l’Accord d’Agadir. « Ces modifications n’ont eu aucun impact sur le traitement préférentiel en vertu de l’accord de libre-échange bilatéral Maroc-Tunisie », a souligné le ministre de l’Industrie et du Commerce.
Un protectionnisme justifié, ou pas !
L’objectif de cette mesure est de soutenir le tissu industriel marocain et protéger les emplois, après avoir pris une mesure similaire pour équilibrer le déficit commercial avec la Turquie, ont précisé certains sites marocains.
Le département ministériel a récemment démenti ces informations, laissant croire qu’une circulaire publiée par la douane a été interprétée comme une intention de revoir l’accord de libre-échange entre les deux pays. Selon la même source, les échanges commerciaux entre les deux pays bénéficient toujours des mêmes privilèges conformément à cet accord.
Selon les médias marocains, leur pays entend renégocier la taxe imposée sur la liste des marchandises, comme les textiles, les barres d’armature et les voitures. « Les boissons chocolatées, le café moulu, les jus, les préparations de fruits et légumes, la margarine et également le poisson fumé et les produits à base de céréales figurent également sur cette liste », mentionnent certaines sources marocaines.
Selon Mezzour, le but de cette mise à jour est d’ « y transposer les modifications issues de l’implémentation des amendements du Système Harmonisé SH 2022 conformément aux recommandations de l’Organisation mondiale des douanes (OMD).Et c’est la raison qui a poussé l’Administration des douanes et des impôts indirects à actualiser, par le biais de cette circulaire, les codifications douanières figurant sur les listes annexées à l’Accord de libre-échange bilatéral Maroc-Tunisie ». Son département ministériel assure que les produits couverts par l’ALE continueront d’être importés en franchise des droits de douane et taxes d’effet équivalent, à l’exception de deux types de produits. En premier lieu, les produits relevant de la liste commune maroco-tunisienne, soumis à la taxe unique de 17,5% à l’importation dans les deux pays, et en second lieu, les produits relevant de la liste négative commune maroco-tunisienne, exclus provisoirement du démantèlement tarifaire par les deux parties et soumis au régime de droit commun.
Du côté tunisien,
on demande de l’aide
Il est à rappeler, d’autre part, que les échanges commerciaux préférentiels de la Tunisie avec le Maroc sont aussi régis par l’accord instituant la Grande zone de libre-échange arabe (Ligue arabe) et de l’Accord d’Agadir, qui n’instaurent aucune liste négative de produits échangés entre leurs pays membres.Du côté tunisien, on n’est peut-être pas du même avis. Maher Ben Aissa, vice-président de la Chambre nationale des sociétés de commerce international relevant de l’Utica, estime, lors d’un passage sur les ondes d’une radio privée, qu’il s’agit d’« un acte de protectionnisme non justifié». Pour lui, « le rêve du grand Maghreb et du grand marché maghrébin s’évapore jour après jour. La décision des autorités marocaines porte un coup dur pour les exportateurs tunisiens et le partenariat entre les deux pays ». Il a été précisé que la balance commerciale entre les deux pays penche en faveur de la Tunisie, avec un volume d’export s’élevant à 708 millions de dinars (2,28 milliard de dirhams) contre seulement 370 millions de dinars (1,19 milliards de dirhams) en ce qui concerne les exportations marocaines. Ben Aïssa a expliqué que ce niveau de déficit ne suffit pas pour justifier une révision de l’ALE. Il a, par ailleurs, rappelé que le déficit commercial de la Tunisie avec la Turquie a atteint des niveaux plus élevés et s’est évalué à plus de 3.000 milliards de dinars tunisiens. Et c’est pour cette raison que des révisions des accords d’échange avec ce pays ont été pensées. Pour lui, « une intervention politique est nécessaire pour que des concertations avec le gouvernement marocain soient lancées autour de ces deux nouvelles catégories de produits soumis à cette mesure de protectionnisme de la part du Maroc ».
Les exportateurs tunisiens ont dû faire face, auparavant, à un litige avec autorités marocaines. Il avait concerné les cahiers scolaires.